David Lisnard et Lisa Kamen Hirsig viennent de co-signer une tribune dans le Figarovox titrée : Au lieu d’encombrer la scolarité avec un “savoir vert”, revenons aux fondamentaux .
Ils y critiquent le souhait d’Élisabeth Borne d’introduire dans le socle commun un nouveau « bidule » (sic) nommé par la ministre « savoir vert ». Il s’agit d’une nouvelle évaluation qui, d’une part surchargerait des programmes déjà encombrés de « gadgets » (sic) au détriment des fondamentaux et, d’autre part, constituerait une nouvelle atteinte à la laïcité en introduisant un credo idéologique déconnecté des connaissances scientifiques.
On comprend bien que les auteurs de la tribune n’apprécient pas le « rouge » mais leur inquiétude de voir rouge et vert se mélanger en un brun peu ragoûtant est bien compréhensible quand on constate les effets délétères de pratiques de classes innovantes, qui deviennent trop souvent des enfers pavés de bonnes intentions. L’association des deux couleurs idéologiques évoque plus fréquemment un mélange nauséabond que la fraîcheur de la pastèque.
L’expression « Savoir vert » renvoie aussi au fameux « savoir faire » qui, loin de s’ancrer, comme on pourrait s’y attendre sur un savoir pratique, sert bien souvent de masque aux fameuses « compétences », enfumage savant par lequel les véritables « connaissances» sont carbonisées.
Science, histoire, géographie, éducation morale et civique … autant de disciplines dont le cadre serait devenu trop étriqué pour englober un « savoir vert ». À l’heure où l’on est si prompt à mettre en avant la laïcité pour dénoncer le séparatisme, force est de constater que cette dernière filtre bien souvent le moustique pour mieux avaler le chameau : l’enseignement du fait religieux y est abusivement sanctionné (souvenons-nous de Matthieu Faucher) alors que toutes sortes d’idéologies scientistes y sont accueillies à bras ouverts : la théorie du genre (qui nous assure-t-on « n’existe pas ! ») et les fantasmes LGBT servent de boussole à l’éducation sexuelle, le wokisme déconstruit l’histoire, l’écriture inclusive saborde la langue française et une nouvelle idole apparaît à l’horizon tel un Soleil Vert.
Faut-il pour autant réduire l’enseignement au seul « lire écrire compter calculer » comme nous l’avons mis en avant dans nos classes expérimentales « SLECC » ? La place de l’homme dans le monde ne relève-t-elle pas des savoirs « fondamentaux » ?
Le militant américain des droits civiques William Edward Burghardt Du Bois (1868-1963), premier noir ayant obtenu un doctorat à Harvard, martelait déjà cette évidence en 1935 : « L’école n’offre qu’un seul chemin, qui est du début jusqu’à la fin d’apprendre à lire, écrire et compter. Et si l’école faillit dans cette tâche, en essayant de faire des choses au-delà de cela, choses pour lesquelles elle n’est pas adaptée, elle ne perd pas seulement sa fonction propre mais aussi toutes les autres qu’elle essaie de remplir, car aucune école ne saurait organiser l’industrie, trancher les questions des revenus et des salaires, fonder des foyers, fournir des parents, établir la justice, ou construire un monde civilisé» … ou sauver la planète, comme en rêvent les écologistes.
Les connaissances élémentaires, en effet, ne peuvent se construire sans une maîtrise minimale du « lire-écrire-compter-calculer », mission première de l’instruction publique. Pourtant la science, l’art, la culture, l’histoire, la géographie, l’éducation physique, sont autant d’éléments qui participent à la construction de cette maîtrise, l’éducation ne peut être dissociée de l’instruction. Mais la conscience environnementale ne peut se réduire à un décret. La pédagogie du B.O. est, au mieux, inefficace, au pire totalitaire.
David Lisnard et Lisa Kamen-Hirsig sont bien placés pour le savoir, l’un élu local, l’autre enseignante-journaliste, connaissent l’importance de la synergie entre parents, enseignants, associations et élus locaux pour promouvoir les actions culturelles au sein de l’école, tout en respectant la fonction de cette dernière. Souhaitons donc qu’ils poursuivent leurs engagements dans cette voie en favorisant le développement d’initiatives locales semblables à celle que nous soutenons dans l’Aisne : Socrate 02
Pascal Dupré