La proportionnalité dans les manuels du GRIP

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Nous avons été très surpris d’apprendre, très récemment, que « les livres de mathématiques du Grip ne contiennent pas l’étude de la proportionnalité » (sic). Ne sachant d’où vient ce malentendu, nous nous contenterons de rappeler ici quelques principes fondamentaux concernant l’enseignement de la proportionnalité en primaire.

Voici tout d’abord ce que l’enseignement de la proportionnalité à l’école primaire doit être selon le mathématicien  Laurent Lafforgue :

Proportionnalité

La règle de trois doit être sue par cœur. Son application, qui ne se résume pas à un pur automatisme, est un raisonnement déjà complexe qui suppose de comprendre le fonctionnement et la signification de la notion de proportionnalité. Il faut entraîner à l’employer dans des situations concrètes variées, dont voici des exemples importants :

– ceux de la vie courante (calcul des matériaux nécessaires pour des travaux, des ingrédients d’une recette de cuisine, etc.),

– les conversions de mesures résultant d’un changement d’unité,

– les changements d’échelle pour la représentation des distances sur une carte géographique ou routière,

– la proportionnalité de la masse avec le volume pour un corps de composition donnée (avec les notions de masse volumique et de densité),

– à vitesse constante, la proportionnalité de la distance parcourue avec le temps de parcours,

– à débit constant d’une rivière ou d’un robinet, la proportionnalité du volume déversé avec le temps,

– le partage en parts égales de divers types d’objets.

Le calcul à l’école Primaire – Laurent Lafforgue

Il n’y a donc pas de chapitre « proportionnalité » dans nos manuels, mais de nombreuses leçons sur la « Règle de Trois ».

Rudolf Bkouche nous éclaire sur ce choix du terme « Règle de Trois », à l’école primaire, de préférence à celui de « Proportionnalité » :

On peut alors remarquer que la règle de trois est une opération, au sens où l’on parle des quatre opérations de l’arithmétique, c’est-à-dire un «faire», alors que la proportionnalité est un concept. Il ne s’agit pas ici d’une distinction « pratique-théorique » au sens où on l’entend habituellement ; il s’agit de préciser un «faire» qui correspond à un problème, ce «faire» s’appuyant sur un raisonnement qui lui-même s’élabore dans le «faire», autrement dit raisonnement et pratique sont inséparables et c’est seulement pour les besoins de l’analyse que l’on est amené à les distinguer. L’acquisition de la pratique de la règle de trois apparaît ainsi sous un double aspect : son efficacité technique liée au calcul, son caractère théorique lié à la notion de proportionnalité. C’est cela qui lui donne sa place dans l’enseignement élémentaire.

Bkouche – proportionnalité et règle de trois

Donc, pas de titres de leçons sur la proportionnalité, mais pas d’exercices à l’usage des tableaux de proportionnalité, non plus. Isabelle Voltaire défend cette nécessité de privilégier l’énonciation complète de la règle :

Loin d’être un mécanisme comme le déclarent les didacticiens actuels, un tel raisonnement est à réinventer à chaque fois, et à écrire en français correct et normé. D’où la difficulté de son enseignement, mais aussi sa fécondité, puisque c’est un des lieux où s’exerce à la fois le raisonnement mathématique et la qualité et la rigueur de l’expression française, c’est un des meilleurs exercices de formation à la liberté de pensée.

Isabelle Voltaire – Règle de Trois

Pour limiter la difficulté de cet enseignement, tout en augmentant sa fécondité, il est nécessaire de s’appuyer sur une progression très structurée, et ce, depuis le CP. C’est ce que nous avons tenté de faire dans nos manuels, en suivant les propositions de Michel Delord : Michel Delord – Progression.

En espérant que ce billet suffira à dissiper les malentendus sur une prétendue « carence » de nos manuels !

Pascal Dupré