À travers une tribune publiée dans le Monde, le professeur Villani a sévèrement réfuté cette mauvaise équation :
« aucune corrélation n’a pu être établie entre l’instruction en famille et le séparatisme ! L’amalgame abaissant avec la radicalisation est fait sans la moindre preuve, sans chiffres, et contredit les propres propos antérieurs du gouvernement sur le sujet »
Ses remarques sur la copie ne sont pas tendres envers les auteurs du projet gouvernemental :
« … mesures disproportionnées et dangereuses. … Le travail préparatoire a été particulièrement bâclé … Une telle légèreté, pour réviser rien moins que les lois Ferry, un pilier de notre République, est un scandale pour notre État de droit. ».
Les dix-huit députés qui ont co-signé cette tribune ne sont sans doute pas d’aussi brillants mathématiciens que lui, ils ont néanmoins, eux aussi, flairé le scandale d’état.
Nul ne songe à nier les dangers du « séparatisme » (à condition bien sûr de mieux définir ce terme de l’équation) mais encore faut-il le chercher là où il est. Le chercher ailleurs est peut-être politiquement moins dangereux mais il n’a pas échappé à l’élu mathématicien que c’était bien un mauvais calcul, fût-il électoral :
« … la déscolarisation de fait non déclarée, la multiplication des cas de harcèlement, les difficultés de notre système d’éducation publique sont des maux plus graves et plus dangereux pour notre société, de plusieurs ordres de grandeur. »
Cédric Villani a eu l’occasion de mieux cerner « les difficultés de notre système d’éducation publique » lors de sa mission sur l’enseignement des mathématiques, il a pu mesurer l’importance d’une volonté politique éducative claire et courageuse pour sortir l’enseignement public de l’ornière. Est-ce cette direction que prend le chef de l’état quand il annonce : « une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 » ?
Faut-il stigmatiser l’instruction en famille pour restaurer l’instruction au sein de l’école publique ? Les valeurs républicaines mises en avant n’ont plus grand-chose à voir avec celles de Condorcet qui visait l’émancipation du citoyen par l’instruction publique. Elles ont, en revanche, les inquiétants relents totalitaires des révolutionnaires « Spartiates » qui souhaitaient « s’emparer de l’homme dès le berceau, et même avant sa naissance ; car l’enfant qui n’est pas né appartient déjà à la patrie. » ¹
Un projet éducatif qui « a comme principe le fait que l’enfant appartient à la Patrie et que les parents n’en sont que les dépositaires » et « s’empare de tout homme sans le quitter jamais, » a pu s’attribuer le nom de « moule républicain » ² mais ne convaincra pas le citoyen d’aujourd’hui de ses vertus émancipatrices.
Le danger « séparatiste » n’aurait-il pas aussi ce visage-là ?
1) Rabaut-Saint-Etienne (1743-1793)
2) “Depuis 5 ans jusqu’à 12, c’est-à-dire dans cette portion de la vie si décisive pour donner à l’être physique et moral la modification, l’impression, l’habitude qu’il conservera toujours, tout ce qui doit composer la République, sera jeté dans un moule républicain.” Lepeltier de Saint-Fargeau (1760-1793)