La fermeture des établissements scolaires et des universités a été annoncée le jeudi 12 mars au soir. Dès le lundi 16 mars, la « continuité pédagogique » a été mise en place.
Sans aucune préparation logistique.
Sans l’once d’une réflexion sur la faisabilité de la chose.
Même si la logistique avait pu être mise en place du côté de l’institution – et ce n’est pas le cas : les sites étaient saturés ou pas fonctionnels – elle n’aurait jamais pu l’être du côté du public. Imagine-t-on que tous les élèves ont « chacun » un ordinateur ou une tablette à disposition plusieurs heures par jour ? Ou bien que tous les foyers disposent d’imprimantes ? Imagine-t-on que tous les parents sont eux aussi à la maison – et sans télétravail – pour pouvoir aider leur progéniture dans les devoirs ? Quant aux plus grands, les collégiens, les lycéens, les étudiants, qui n’ont pas besoin que leur parents soient à côté, imagine-t-on aussi qu’ils ont tous un endroit au calme pour travailler sans être dérangés ? Qu’aucun d’eux n’a à garder ses jeunes frères et sœurs ? Bref, croit-on que tous sont dans des conditions propices au travail académique ?
Il faut croire que, oui, on croit cela, puisque l’on s’échine, à trois semaines des vacances de Pâques, à mettre en place cette continuité pédagogique à toute vitesse.
À trois semaines des vacances de Pâques.
Il est évident que le confinement va durer jusqu’aux vacances, ne pouvait-on pas faire une pause de deux semaines pour réfléchir un peu avant d’agir ? Pour laisser aussi les familles s’organiser dans la garde d’enfants pour les nombreux parents – et il ne s’agit pas que des personnels soignants, loin de là – qui, contrairement à nous, enseignants, ne sont pas confinés chez eux ?
« Il est fondamental de continuer à s’instruire », peut-on entendre ici ou là, chez les fervents défenseurs de la continuité pédagogique. Certes. Mais s’il est fondamental de s’instruire, il est beaucoup moins crucial de finir le programme à la fin du mois de juin. Il aurait été bien plus sage et plus sain de rattraper les semaines manquées pendant les vacances d’été, une fois – espérons-le – la phase critique passée et la situation stabilisée. Étudier, apprendre, demande du calme, du silence, de la quiétude. Outre tous les problèmes matériels déjà cités, croit-on vraiment qu’il est possible d’apprendre dans un tel climat d’angoisse ? Faut-il y ajouter le stress de l’échec scolaire ? Car c’est cela qu’on lit dans des témoignages de parents inquiets de ne pas réussir à faire faire à leurs enfants tout ce qui est demandé, faute de temps, de matériel, de compétence. Et oui, faute de compétence aussi. Car cette continuité pédagogique demande aux parents de jouer le rôle du prof, d’expliquer quand l’élève ne comprend pas. Or, nul ne s’improvise instituteur du jour au lendemain.
Mais rien de tout cela n’est grave. Que les élèves soient dans des conditions hautement défavorables à tout apprentissage, ce n’est pas très important : le programme sera fini en juin, donc tout va bien.
Clémence Labrousse